Kaliningrad

décembre 5, 2018 Non Par admin

L’Oblast’ de Kaliningrad : un nouvel enjeu géopolitique

L’oblast’ (région administrative) de Kaliningrad est isolée du reste de la Russie par au moins la Lituanie et la Biélorussie. D’une superficie de 15 000 kms carrés, soit à peu près la moitié de la Belgique, il est peuplé de 900 000 habitants en 2008 (très majoritairement de Russes, mais aussi de Biélorusses, de Lituaniens et de Polonais).Cette situation historique et géographique particulière provoque des enjeux importants: géopolitiques, mais également économiques et stratégiques.

Dès lors, aucun événement régional ne peut survenir sans affecter l’équilibre de Kaliningrad. En outre, plus la Russie ne diminue en influence dans son étranger proche, plus l’Union européenne augmente sa présence à Kaliningrad. Ainsi, lastabilité de Kaliningrad dépend de celle du continent européen. Unique en Europe par ses caractéristiques, cette région a été le théâtre ces vingt dernières années de deux approches de développement opposées, portées par deux objectifs différents : d’une part, le pouvoir central russe a cherché à utiliser la position géostratégique de Kaliningrad comme un atout stratégique, tout en évitant de créer desvolontés séparatistes des habitants. De l’autre côté, l’Union Européenne (UE) a aidé financièrement la région, dans le but de sécuriser ses nouvelles frontières. Il s’agit donc de replacer les deux approches, russe et européenne, dans le contexte géopolitique et d’analyser leurs conséquences. L’étude ci-après va s’orienter autour deux grands axes : l’oblast’ de Kaliningrad : un futur axe « neutralisé »en Europe ? L’exclave de Kaliningrad (1988-2009) : un enjeu géopolitique entre deux approches de développement.

– L’exclave de Kaliningrad 1988-2009 : un enjeu géopolitique entre deux approches de développement[30]

Jusqu’à la chute de l’URSS, Kaliningrad se distinguait par son statut militaire : l’oblast était une base militaire navale sur la mer Baltique, et servait de moyen dedissuasion dans le contexte de guerre froide. En 1991, on estime à près de 100 000, le nombre de militaires installés dans la région, et environ 25% des habitants vivaient grâce à l’économie militaro-industrielle. En dehors de ce secteur d’activité, une économie locale s’est développée avec les pays limitrophes, notamment dans les importations de produits agroalimentaires et de l’énergie[31]. Vivianedu Castel explique comment « le régime soviétique, ayant donné la priorité aux considérations militaires n’a pas permis la mise en place d’infrastructure juridique, bancaire ou fiscale dans la région »[32]. Avec l’indépendance de la Lituanie (11 mars 1990), Kaliningrad se retrouve donc au début des années 90 dans une triple impasse : premièrement, il n’y a plus de monde bipolaire, donc il n’y aplus réellement d’ennemi contre lequel il faut maintenir une force militaire importante. Deuxièmement, la Pologne et la Lituanie voisines sont désormais indépendantes et se tournent vers l’Europe, délaissant Kaliningrad des échanges économiques. Enfin, la deuxième conséquence de l’indépendance de la Lituanie pour l’oblast est la séparation physique avec le reste de la Russie, ce qui crée, de facto,un statut d’exclave. Séparée de plus de 1500 km de la capitale Moscou, la région se retrouve isolée économiquement, délaissée politiquement, et reléguée au second plan d’un point de vue stratégique. A cette situation spécifique s’ajoute naturellement le contexte de la Russie des années 1990 : un pays en pleine reconstruction politique et économique, qui bien que récupérant les 3/4 du territoirede l’ex-URSS, plus de la moitié de sa population, les deux tiers de son industrie assume également son passif financier.

Au début des années 1990, la première priorité de Moscou est de légitimer son pouvoir sur un territoire récemment enclavé, quand certaines voix se lèvent pour mettre en doute la souveraineté russe[33]. Cette notion pèsera sur toutes les mesures prises par le pouvoir…