Incipit de belle du seigneur

septembre 27, 2018 Non Par admin

Commentaire de l’incipit de Belle du Seigneur

Descendu de cheval, il allait le long des noisetiers et des églantiers, suivi des deux chevaux que le valet d’écurie tenait par les rênes, allait dans les craquements du silence, torse nu sous le soleil de midi, allait et souriait, étrange et princier, sûr d’une victoire. A deux reprises, hier et avant-hier, il avait été lâche et il n’avait pasosé. Aujourd’hui, en ce premier jour de mai, il oserait et elle l’aimerait.
Dans la forêt aux éclats dispersés de soleil, immobile forêt d’antique effroi, il allait le long des enchevêtrements, beau et non moins noble que son ancêtre Aaron, frère de Moïse, allait, soudain riant et le plus fou des fils de l’homme, riant d’insigne jeunesse et amour, soudain arrachant une fleur et la mordant, soudaindansant, haut seigneur aux longues bottes, dansant et riant au soleil aveuglant entre les branches, avec grâce dansant, suivi des deux raisonnables bêtes, d’amour et de victoire dansant tandis que ses sujets et créatures de la forêt s’affairaient irresponsablement, mignons lézards vivant leur vie sous les ombrelles feuilletées des grands champignons, mouches dorées traçant des figuresgéométriques, araignées surgies des touffes de bruyère rose et surveillant des charançons aux trompes préhistoriques, fourmis se tâtant réciproquement et échangeant des signes de passe puis retournant à leurs solitaires activités, pics ambuants auscultant, crapauds esseulés clamant leur nostalgie, timides grillons tintant, criantes chouettes étrangement réveillées.

Introduction, à adapter selon laproblématique :
1)Accroche : Roman de l’écrivain suisse francophone Albert Cohen publié en 1968 aux éditions Gallimard, Belle du Seigneur, Grand Prix du roman de l’Académie Française, réécriture du Cantique des Cantiques, est le troisième volet d’une tétralogie qui commence avec Solal et Mangeclous.
2)Problématique
3)Annonce du plan

I Un incipit

A) Inversion des topoï balzaciens
a) Le cadrespatio-temporel
Le lecteur est plongé dans un monde décalé, d’autant que l’évocation d’un valet d’écurie est un brouillage temporel qui semble nous entraîner au Moyen Âge. La forêt est le lieu féérique de l’épreuve et de l’errance. Le personnage semble faire un voyage initiatique, car il subit des épreuves afin d’atteindre son but, la conquête de la belle. En réalité, l’histoire se déroule à Coligny,dans la banlieue de Genève.
b) L’instance narrative
Le narrateur omniscient délègue sa parole à un personnage homodiégétique. On peut en effet se demander dans quelle mesure l’auteur, le narrateur et le personnage ne se superposeraient-ils pas. Le roman débutant in medias res, le pacte de lecture entre narrateur et narrataire est bien rempli puisque cela engendre un déficit narratif à combler. Letitre pose une attente car il est assez flou.

B) Le personnage
a) Sa caractérisation
Solal semble issu d’un roman de chevalerie, il est ennobli par les chevaux, la victoire et le valet d’écurie. Le verbe « oser » et le champ lexical de la lumière (« soleil » est répété trois fois, ce qui fait par ailleurs écho à Solal) renvoient à l’héroïsme. Chevalier des romans courtois qui doit subirdes épreuves pour prouver son amour, Solal est à la fois dieu et païen. C’est un personnage divin qui descend dans le monde des mortels, comme en témoigne « descendu de cheval », en outre il est affublé d’une généalogie prestigieuse. Dans le titre, le complément de détermination du nom définissant un lien d’appartenance affiche la supériorité masculine. Mais en même temps il est mortel car l’actionse déroule le jour d ‘une fête païenne, le premier mai. Ses faibleses (« lâche ») renforcent son côté humain.
b) statut
Solal semble ici s’inscrire dans la longue tradition de la mythologie gréco-latine. Il paraît s’apparenter d’une part à Orphée, puisque cet aède de Thrace, comblé de dons multiples par Apollon, savait par les accents de sa lyre charmer les animaux sauvages et parvenait…