Dissertations

août 17, 2018 Non Par admin

Le premier discours du recueil est l’Oraison funèbre de la reine d’Angleterre, prononcée en 1669, au couvent des Visitandines de Chaillot. L’exorde : « Celui qui règne dans les cieux et de qui relèvent tous les empires, etc., » est resté célèbre par sa magnificence ; les pages suivantes, où l’orateur découvre l’étendue de son sujet et la force des enseignements qu’il se propose d’entirer : le récit de la fuite de la reine, le portrait de Cromwell, le tableau des luttes politiques et religieuses de l’Angleterre comptent – à juste titre – parmi les modèles de notre langue.

L’Oraison funèbre de Madame Henriette d’Angleterre, prononcée à Saint-Denis en 1670, est plus pathétique que la précédente. Bossuet avait assisté la mourante à ses derniers moments, peut-être avait-ilpénétré les causes de cette mort mystérieuse. L’émotion dont l’âme de l’orateur est remplie éclate dès les premiers mots de l’exorde, qui est un rapprochement naturel avec l’oraison funèbre de la mère d’Henriette, prononcée neuf mois auparavant en présence de celle-ci : « J’étais donc encore destiné à rendre ce devoir funèbre.. » et dans ces mots qui la terminent : « Mais, après tout ce que nousvenons de voir, la santé n’est qu’un nom, la vie n’est qu’un songe, la gloire n’est qu’une apparence, etc. » L’éloquence de la douleur a rarement trouvé des accents plus pénétrants que ces paroles qui firent éclater en sanglots tout l’auditoire : « Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit comme un éclat de tonnerre cette étonnante nouvelle : Madame se meurt ! Madame est morte ! » Plus loin,l’émotion semble prendre le ton d’une mélancolique élégie : « Madame a passé du matin au soir ainsi que l’herbe des champs. Le matin, elle fleurissait, avec quelles grâces, vous le savez ; le soir, nous la vîmes séchée ! »

L’Oraison funèbre de Marie-Thérèse d’Autriche, reine de France, prononcée à Saint-Denis en 1683, a une moins grande valeur. Le panégyrique de l’insignifiante femme deLouis XIV n’offrait qu’un texte bien peu fécond ; l’orateur s’est rejeté sur la piété, la vertu, le dévouement, la modestie de la feue reine et autres lieux communs plus propres à l’amplification qu’aux grands mouvements d’éloquence.

L’Oraison funèbre d’Anne de Gonzague, princesse Palatine, prononcée en 1685 donne un tel démenti à tout ce qu’on sait du personnage, que les vices inhérentsà ce genre de discours peuvent y être touchés du doigt. Comme tout le monde savait que la religion avait été le moindre de ses soucis, l’orateur est obligé de raconter un songe mystérieux qui avait décidé sa conversion et à la suite duquel il suppose qu’elle termina sa vie dans la pratique de la plus sincère piété. Ce thème fournit à Bossuet, comme toujours, les plus solides arguments pourl’enseignement religieux ; mais ce discours est moins un panégyrique qu’un éloquent sermon.

L’Oraison funèbre de Michel Le Tellier (1636), personnage qui avait eu le triste honneur de signer de sa main mourante la révocation de l’édit de Nantes, a fourni à Bossuet l’occasion de glorifier un des plus grands crimes d’État dont l’histoire fasse mention. « Publions ce miracle de nos jours,s’écrie-t-il, épanchons nos cœurs sur la piété de Louis ; poussons jusqu’au ciel nos acclamations, et disons à ce nouveau Constantin, à ce nouveau Théodose, à ce nouveau Marcien, à ce nouveau Charlemagne, ce que les six cent trente Pères dirent autrefois dans le concile de Chalcédoine : « Vous avez affermi la foi, vous avez exterminé les hérétiques ; c’est le digne ouvrage de votre règne, c’en est lepropre caractère. Par vous, l’hérésie n’est plus : Dieu seul a pu faire cette merveille. »
Du reste, Bossuet n’est pas resté, au-dessous de lui-même dans cette oraison funèbre. On y remarque le portrait du cardinal de Retz, digne pendant de celui de Cromwell. La péroraison est un chef-d’œuvre ; c’est là que se trouve ce trait : « Dormez votre sommeil, grands de la terre, et demeurez dans votre…