Dissertassion
L’Affaire Global Voice
L’affaire Global Voice suscite passions et débats et, au débat d’expert, la présente contribution souhaite apporter l’opinion d’un vieux spécialiste dont la carrière a traversé les trois moments vécus par le secteur des télécommunications depuis son administration par l’Office des Postes et Télécommunications du Sénégal(OPT) jusqu’à l’avènement de Sonatel et de… France Télécom.
Avant la création de la Sonatel en 1985, les enjeux d’aujourd’hui se posaient déjà et dans les mêmes termes : il y avait deux opérateurs monopolistiques avec l’OPT sur un réseau national obsolescent et Télésénégal sur le réseau international qui commençait à flirter avec les technologies de pointe, satellite notamment. Avant dedevenir société nationale, Télésénégal avait été d’abord une société d’économie mixte cogérée par France Câbles et Radio et par l’OPT pour l’Etat du Sénégal (une survivance, soit dit en passant, de la colonisation qui nous est revenue aujourd’hui avec l’ogre Orange : au lendemain de nos indépendances, le colonisateur avait conservé et garde encore aujourd’hui la main sur les secteurs les plus juteux denos jeunes économies).
Dans cet environnement, la problématique était, pour l’Etat, de savoir comment faire en sorte que les énormes ressources dégagées par le réseau international puissent financer le développement du réseau national. Le gouvernement de l’époque sous Diouf avait vite fait de trouver la bonne formule en fusionnant, non sans réticence des mêmes syndicalistes d’aujourd’hui, lesservices techniques de l’administration publique – la Direction des Télécommunications de l’OPT – et Télésénégal. Faut-il rappeler que les cadres des télécoms avaient dû faire signer une pétition nationale en faveur de la fusion des entités télécoms contre les slogans « anti-balkanisation » brandis en face par les syndicats ? Au final, les résultats iront au delà de toutes les espérances : en moinsd’une décennie, Sonatel était devenue, sans « coopération » étrangère d’aucune sorte, une entreprise de télécoms de référence africaine sinon mondiale comme ses jeunes patrons en avaient décliné l’ambition.
Cette remarquable avancée avait été rendue possible parce que le Sénégal avait embrayé sur un formidable mouvement de libéralisation des télécommunications né avec la décennie des années 80 auxEtats-Unis comme souvent quand il s’agit d’innovation majeure. Le changement institutionnel intervenu avec la création de Sonatel – que beaucoup d’Etats même européens mettront du temps à opérer – combiné avec l’avènement de patrons éclairés, jeunes, qui ont su innover dans les modes de financement, avait été la clé du succès. On peut se contenter de rappeler les conventions de différemment desdroits et taxes (l’argent des contribuables) mis en place avec l’Etat… pour dire que le réseau entièrement numérique dont le Sénégal pouvait se targuer d’être le seul détenteur en Afrique et même ailleurs était le fruit de l’effort tous les sénégalais pas uniquement de ses seuls travailleurs.
Si la création de Sonatel a été un coup de génie, on ne peut pas en dire autant de sa privatisation etl’ouverture de son capital en 1996 : si l’opération a été bénéfique aux nouveaux actionnaires de l’entreprise notamment aux travailleurs, on peut douter de l’apport bénéfique du « partenaire stratégique ». A cet égard, on peut rappeler la stratégie imaginée et conseillée aux pouvoirs publics qui consistait à « offrir » le 1/3 du capital de Sonatel à un opérateur de rang mondial, l’Etat détenant 1/3 et le1/3 restant partagé surtout entre les travailleurs et un autre opérateur africain dans le cadre d’un partenariat Sud-Sud à mettre en place.
Cette stratégie bien pensée sur le papier n’aura pas fait long feu du fait des politiques : l’ancien régime aura vite fait de « céder » au « partenaire stratégique » 9% des parts de l’Etat devenu ainsi minoritaire…, alors que, pour la petite histoire,…