Compétences

décembre 8, 2018 Non Par admin

SAVOIR, SAVOIR-FAIRE ET SAVOIR-ETRE REPENSER LES COMPÉTENCES DE L’ENTREPRISE Thomas Durand Professeur, Ecole Centrale Paris F-92295 Châtenay Malabry cedex e-mail : [email protected]

Introduction

Pourquoi en sommes-nous arrivés à traiter du thème de la compétence si tardivement en management stratégique ? Une analogie va nous aider à expliquer le cheminement historique globalement suivi par leschercheurs du domaine. Plaçons-nous un instant dans la logique de l’ingénieur en thermodynamique qui observe un gaz dans un ballon de caoutchouc. Le ballon symbolise l’entreprise ; l’intérieur en constitue l’organisation ; l’extérieur représente son environnement. Que va-t-il regarder d’abord, cet ingénieur ? Très probablement la nature du gaz à l’intérieur du ballon et les conditions de températureet de pression qui y prévalent, puis il va mesurer le volume du ballon, analyser la texture de la paroi, sa porosité éventuelle, avant de s’intéresser aux possibles influences extérieures, c’est-à-dire à l’atmosphère qui entoure le ballon. Quels drôles d’ingénieurs que l’économiste et le gestionnaire, qui dans le champ de la stratégie d’entreprise, ont historiquement choisi de se focaliser d’abordsur les conditions extérieures (les cinq forces de Porter, les groupes stratégiques, …) pour ainsi tenter de décrire le ballon, c’est-à-dire l’entreprise. C’est là la perspective de Porter de 1980 : analyser les conditions extérieures pour caractériser l’objet – et sa performance. C’est seulement dans un second temps que l’on se préoccupera de ce qui se passe dans le ballon lui-même (la naturedu gaz, sa température, son volume, sa pression, …), avec comme secret espoir celui d’obtenir un jour l’équivalent en management de la loi dite des gaz parfaits (c’est-à-dire, pour ceux qui ont quelques souvenirs de thermodynamique, PV = NRT).

Et nous voilà aujourd’hui attelés à tenter de clarifier le concept de compétences (qu’elles soient clés ou non) en réalisant enfin que ce qui se passedans l’organisation (le jeu des interactions entre les molécules de gaz dans le ballon) est une des dimensions essentielles 1

autour de laquelle il peut être intéressant de reconstruire une théorie du management stratégique. Il nous a fallu tout ce temps pour redécouvrir que l’entreprise est faite d’hommes et de femmes qui oeuvrent en son sein, tout à la fois mobilisant et construisant descompétences individuelles et collectives.

Drôle de cheminement scientifique que ce chemin-là qui suit d’abord un long détour extérieur avant que de s’intéresser à l’intérieur, mais reconnaissons que c’est celui que nous avons collectivement suivi depuis 20 ans.

Le présent article vise à tenter de creuser ce que recouvre la notion de compétence. A notre sens la littérature est restée trop enretrait ou trop vague et confuse sur cette question. Certaines tentatives de décomposition, de classification, de définition ont certes eu lieu mais elles nous semblent insuffisantes et incomplètes. Pourtant nous insistons pour rappeler qu’une théorie, si elle veut être utile, doit pouvoir s’appuyer sur une base solide et claire de définitions et de classifications. C’est là une condition essentiellede sa propre cohérence mais aussi de sa falsification. En effet, sans effort de mise en relation des concepts théoriques avec la réalité managériale, point de validation empirique possible. Ce texte est essentiellement conceptuel dans sa forme et dans son contenu. Toutefois, pour le rendre moins aride, nous avons choisi de l’illustrer abondamment, d’une part en recourant à des figures tentant devisualiser les points clés développés, d’autre part en s’appuyant sur de courtes illustrations et analogies présentées en italique. Dans les deux cas, ces illustrations pourront paraître caricaturales. Il nous semble pourtant utile de les utiliser pour clarifier notre propos.

La section I, ci-après, vise à remettre en perspective la théorie de la compétence actuellement en émergence, en…