Commentaire le pouvoir des fables
I. Eloge de l’argumentation indirecte de La Fontaine.
1. Un plaidoyer pour la fable.
La structure de la fable est originale car toute la première partie est une adresse à un destinataire particulier : il s’agit de l’ambassadeur de France en Grande-Bretagne. Cette adresse est l’occasion d’un plaidoyer en faveur de la fable car La Fontaine doit ici répondre à des critiques implicites (vers 6,7, 8, 3, 2 et 4). Dans cette adresse à l’ambassadeur, il joue sur une mise ne scène d’une polémique avec d’un côté ceux qui critiquent la fable « Peut-elle s’abaisser à des contes vulgaires ?/vous puis-je offrir mes vers et leurs grâces légères ? » et de l’autre lui-même qui la défend grâce à ce plaidoyer et entame donc un éloge de la fable.
Ce plaidoyer est visible dans la première partie de lafable mais encore plus dans la deuxième grâce à la mise en abyme
2. La mise en abyme : un art poétique.
Dès le titre cette fable apparaît comme un art poétique. Au lieu de raconter une histoire, Le pouvoir des fables a explicitement comme but de valoriser cette forme. Si elle a un « pouvoir » c’est donc bien qu’elle n’est pas seulement « légère » Cette mise en abyme se retrouve dès lapremière partie avec « les débats du Lapin et de la Belette» vers 7 et 8, allusion à la fable 16 du livre 7 : Le Chat, la Belette et le petit Lapin. La mise en abyme se retrouve principalement dans la deuxième partie avec l’orateur qui propose une fable au discours direct. Cet orateur est donc une figure du fabuliste, de La Fontaine qui se met en scène de façon détournée dans son propre texte. Il estune hypostase / avatar. Cette mise en abyme montre que l’objectif de La Fontaine n’est pas seulement de critiquer les hommes comme Esope mais bien d’interpréter le fonctionnement de l’apologue : c’est ici un art poétique. La morale porte non seulement sur le caractère des hommes mais aussi sur l’attitude que les moralistes doivent adopter puisque l’injonction du vers 70 « il le faut encore amusercomme un enfant » s’adresse aux moralistes et à tous ceux qui parlent aux hommes.
L’éloge de la fable porte sur la comparaison entre la fable et l’éloquence.
3. L’apologue face à l’éloquence.
Le terme « éloquence » apparaît dès la première partie au vers 22. Il y a donc éloge de la fable sous forme de mise en abyme. Cet éloge repose sur la comparaison entre deux types d’argumentations :argumentation directe (éloquence) et argumentation indirecte (fable). On retrouve deux mises en scène avec l’ambassadeur vers 21, 23 et 24. Au départ il y a un discours politique, éloquent puis ensuite il choisit une fable. On voit que c’est la fable qui emporte l’attention de l’assistance. L’éloquence ne paie pas, ce sont des paroles inefficaces que le public n’entend pas, n’écoute pas et le lecteurnon plus. La seule parole efficace est la fable.
Ce plaidoyer pour l’argumentation indirecte valorise la fable face à l’éloquence et ici l’éloquence de la tribune (discours politique) ce qui sous-entend que l’apologue peut également parler de politique, elle n’est pas limitée à sa dimension moralisatrice.
II. Eloge de la valeur politique de la fable.
1. La fable peut tenir un discourspolitique.
Cette fable s’adresse à un ambassadeur ce qui est surprenant. Elle ressemble donc à une requête faite à l’homme politique. C’est la raison pour laquelle on retrouve toute une dimension épistolaire avec des compliments faits au destinataire au début et à la fin de la première partie et à la modestie du fabuliste. Il s’agit de la captatio benevolentiae, c’est à dire le fait de flatter sondestinataire pour capter son attention. Elle est aussi adoptée à la vocation politique de l’ambassadeur au vers 30 « son sujet vous convient » et sur l’allusion à la fable Le Chat, la Belette et le petit Lapin. Avec humour La fontaine dit que ces « débats » ne sont pas très importants mais si on relit cette fable, on se rend compte qu’il est question de conflits territoriaux, c’est à dire d’un…