Colloque sentimental – commentaire

janvier 12, 2019 Non Par admin

Fêtes Galantes (1869)
Pour ce second recueil (après Poèmes Saturniens), Verlaine s’inspire des peintres qui, au XVIII° siècle surtout, ont évoqué les plaisirs d’une société élégante et frivole. Le ton et la manière sont inspirés de l’esthétique de peintres du XVIII° siècle comme Watteau ou Fragonard.
Présentation du poème
« Colloque sentimental » est le dernier des 22 poèmes qui composentFêtes Galantes. Dans « Colloque sentimental », Verlaine évoque la rencontre désespérée de deux êtres qui se sont aimés. La disparition des souvenirs et l’indifférence cruelle que révèle le dialogue montrent les effets du temps. Ce dernier poème donne au recueil une touche funèbre et manifeste un refus de l’idéalisation de l’amour et du toujours qui rime traditionnellement avec ce mot.
C’est un poèmede 8 distiques de décasyllabes en rimes suivies. Quatre de ces distiques constituent un dialogue qui donne une touche théâtrale à ce poème.
Composition
– Vers 1 à 6 : présentation du décor et des personnages.
– Vers 7 à 14 : dialogue marqué par l’incompréhension.
– Vers 15 et 16 : conclusion qui crée une impression de mystère.
Axes de lecture
I. Le cadre
II. Les aspects théâtraux
III. Lespersonnages
I. LE CADR Le décor encadre le passage. Il s’agit d’un décor extérieur. Il est mentionné à deux reprises exactement dans les mêmes termes aux vers 1 et 5, ce qui montre son importance pour le poète, et au dernier vers. il s’agit d’un cadre bien défini : « le vieux parc » (v. 1). C’est un endroit connu des deux personnages, où ils ont un passé commun et dans lequel ils se retrouvent.Ce parc est caractérisé par l’abandon : « vieux », « solitaire » (v. 1), « avoines folles » (v. 15). Il est caractérisé aussi par le froid (« glacé ») qui introduit dès le premier vers l’idée de mort. La scène se passe de « nuit » (dernier vers), ce qui renforce la même idée.Le cadre suggère par les mots « vieux parc » (v. 1) tout un passé riche. Il entoure vraisemblablement un château qui luiaussi est peut-être abandonné. Ce cadre est porteur de rêve, de mystère.
D’emblée, ce cadre suggère une caricature du rendez-vous galant qui est un stéréotype littéraire.
II. LA MISE EN SCÈNE DE LA SITUATION AMOUREUSE
Des consignes de mise en scène presque théâtrales sont données avant le dialogue : informations concernant le décor, informations concernant le ton (« l’on entend à peine leursparoles. » v. 4), informations concernant les jeux de scène (les acteurs passent, « Deux formes […] ont passé » v. 2, « Tels ils marchaient » v. 15). On peut imaginer que les personnages traversent le parc en allant de son centre, du château, à sa périphérie, ce que suggère l’apparition des « avoines folles » (v. 15). Ils sont en train de s’éloigner, de disparaître, de se fondre dans la nature. On peutremarquer aussi le rythme extrêmement léger du poème. Les spectres semblent à peine effleurer le sol tant les décasyllabes sont légers.Il est intéressant de s’interroger sur le point de vue : par qui sont observés ces deux personnages ? Qui dit « tout à l’heure » (v. 2) ? Qui les écoute ? Mais « la nuit seule entendit leurs paroles. » (v. 1­6) précise l’auteur.On trouve aussi une informationpermettant de comprendre ce dont ils parlent (« ont évoqué le passé » v. 6), objectif d’une scène d’exposition.Mais le principal aspect théâtral est l’utilisation du dialogue. Quatre distiques sur les huit du poème sont consacrés au dialogue. Les deux personnages du poème s’adressent l’un à l’autre au style direct. Ce procédé est extrêmement rare en poésie.Le dialogue est d’une nature conflictuellecaractéristique au théâtre : les deux personnages ne sont pas d’accord.Mais ce dialogue est chuchoté : « Et l’on entend à peine leurs paroles. » v. 4. Les sonorités du dialogue imitent bien le chuchotement : allitérations en « l » et « p », nasales « on » et « en ».
III. LES PERSONNAGES
Ils ne sont pas identifiés par un nom. Il est difficile de dire même qui est l’homme et qui est la femme…