Aspirations éducatives familles immigrée
D’une génération à l’autre, les aspirations éducatives des familles immigrées : ambition et persévérance
Yaël Brinbaum, Université de Bourgogne, Iredu et Lasmas Annick Kieffer, CNRS, Lasmas
Cette étude a été réalisée par Yaël Brinbaum et Annick Kieffer dans le cadre d’un groupe de travail réunissant des chercheurs du LASMAS et de la DEP, autour de l’exploitation des données du panel d’élèves95. Ce groupe s’est réuni de juin 2003 à Octobre 2004. Les résultats y ont été régulièrement présentés et soumis à publication en novembre 2004 (1ère version) puis avril 2005 (version révisée susceptible de modifications avant publication). L’ensemble des productions devant faire l’objet d’un numéro spécial d’Education et Formations à l’automne 2005.
Cet article met en regard les aspirationséducatives des familles selon leur origine sociale et géographique avec les projets et les parcours scolaires de leurs enfants. Les aspirations des parents immigrés, comme celles de leurs enfants, apparaissent plus élevées que celles des français d’origine de même milieu social. Les Portugais privilégient toujours les filières professionnelles tandis que les Maghrébins aspirent aux études longuesgénérales pour leurs enfants. Ces ambitions élevées s’avèrent un élément clef des réussites scolaires des enfants. Le dispositif du panel 95 permet, grâce à ses données subjectives sur les perceptions et ambitions des parents et de leurs enfants, de mettre à jour des ruptures et des continuités entre les générations et d’appréhender la façon dont sont vécus les parcours. En effet, des décalagesapparaissent entre les aspirations des parents, celles de leurs enfants et les scolarités effectives de ces derniers. Plus prononcés dans les familles immigrées, leur nature diffère selon l’origine nationale. Ainsi, les projets et les scolarités effectives des élèves d’origine portugaise marquent une certaine rupture avec les attentes de leurs parents, avec une translation vers les filières du supérieur.Les jeunes d’origine maghrébine en revanche, s’approprient les ambitions de leurs parents, mais les réajustent en fonction de leurs scolarités effectives, dominées par les filières professionnelles et technologiques. Ces décalages, au niveau des parcours, peuvent engendrer chez certains des frustrations.
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Une démarche classique en sociologie est d’expliquer les inégalités de réussite àl’école par l’origine sociale des élèves. Les enfants issus de l’immigration, dont les parents alimentent une part importante des emplois ouvriers, apparaissent particulièrement défavorisés de ce point de vue, ils cumulent un double handicap lié à leurs origines, sociale et étrangère1. Ce constat négatif, établi dans la littérature sociologique à partir des années 60, a été nuancé dans les annéesrécentes. Vallet et Caille [22] ont montré, grâce aux données du panel des élèves entrés en sixième en 1989, que les parcours scolaires de ces enfants sont meilleurs dans le secondaire que ceux des Français d’origine de milieu social et familial comparable. Les auteurs attribuent ces réussites aux attentes plus fortes des familles à l’égard du système éducatif. Ce rôle positif des aspirations éducativesdes immigrés sur la réussite scolaire de leurs enfants, bien documenté dans les recherches anglo-saxonnes, avait déjà été mis en évidence en France dans les années 80-90 essentiellement à partir d’études qualitatives [23]. Ainsi, les aspirations éducatives se sont diffusées et manifestées dans tous les milieux sociaux avec la démocratisation de l’enseignement et l’allongement des études, cequ’ont mis en évidence des sociologues tels que J.-P. Terrail, M. Duru-Bellat, P. Merle, etc. ; Y. Brinbaum [4,5] confirme que les aspirations s’avèrent plus élevées chez les immigrés et apparaissent comme un élément clef d’explication de leur parcours et de ceux de leurs enfants. Elles méritent donc une attention particulière.
La force des aspirations des familles immigrées renvoie à…