Analyse article crise subprime
Décryptage d’une crise sans fin
Comment la cupidité des banques commerciales, des banques d’affaires et des assureurs a transformé la crise immobilière américaine en une crise bancaire mondiale.
La finance est folle. Ou plutôt la finance libéralisée, celle qui pense que les banques et les investisseurs sont toujours des gens raisonnables dont il n’est pas nécessaire d’encadrer, etsérieusement, les comportements. Les facteurs à l’origine de la crise des subprime, comme la semaine insensée qui a vu s’effondrer le mois dernier les plus prestigieux établissements, tout montre qu’une économie ne peut être saine quand les marchés financiers connaissent un développement incontrôlé. Car cela se termine immanquablement en dérapage. Et c’est la croissance et l’emploi qui finissent toujourspar en payer le prix le plus lourd. Retour sur une crise sans fin et sur ses conséquences possibles.
1 Aux origines de la panique
Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en France et ailleurs, les banques sont secouées depuis plus d’un an par une crise qui n’en finit pas. Juste retour des choses, puisqu’elles en sont parmi les principales responsables. Rappelons le contexte: avec la forte montée desexcédents commerciaux de la Chine et des pays pétroliers, l’économie mondiale se retrouve depuis plusieurs années avec une épargne abondante qui cherche à se placer un peu partout dans le monde. Exactement dans le même temps, après l’éclatement de la bulle Internet en 2000 et le fort ralentissement américain de 2001, Alan Greenspan, l’ancien patron de la Fed, mène une politique monétaire trèsfavorable à la croissance avec des taux d’intérêt très bas. De l’argent à profusion et pas cher à emprunter: il n’en fallait pas plus aux investisseurs pour se dire que la période était bonne pour jouer gros sur le tapis du casino financier mondial. Il fallait juste trouver sur quoi miser. Ce sera l’immobilier.
Selon les calculs de l’économiste américain Robert J. Shiller, le prix réel – horsinflation – des logements aux Etats-Unis a augmenté de 85 % entre 1997 et leur plus haut niveau de 2006. Un rythme de croissance comme l’histoire n’en avait jamais connu. Les courtiers immobiliers ont fait la chasse aux clients, qu’ils rabattaient vers les banques, celles-ci prêtant à des individus aux faibles revenus et sans patrimoine, alléchés par des taux d’intérêt bas, de faibles remboursements -en début de période, mais explosifs ensuite – et gagés sur le fait que la valeur des logements monterait jusqu’au ciel.
Pourquoi ce qui n’aurait dû être qu’une crise immobilière américaine s’est-elle transformée en une crise bancaire mondiale ? La réponse tient en un seul mot: cupidité. Cupidité des banques commerciales qui, sachant très bien que ces crédits étaient risqués, se sont appuyées surune technique financière, la titrisation (une pratique consistant à transformer n’importe quel actif, comme un prêt immobilier, en un titre financier), pour les revendre à d’autres, après avoir empoché leurs commissions. En outre, sachant que les règles internationales de contrôle des risques les obligeaient à mettre du capital de côté pour couvrir de tels prêts risqués – ce qui est coûteux -,elles ont pu, grâce à la titrisation, faire davantage de business en contournant les règles prudentielles.
Cupidité des banques d’affaires, les Lehman Brothers, Merril Lynch et autres UBS qui ont acheté ces titres immobiliers. Pour en retirer le maximum, elles ont imaginé de les placer dans des SPV, des Special Purpose Vehicle, des sociétés ad hoc sans foi ni loi, non régulées et prêtes à tout.Ces sociétés sollicitaient les investisseurs financiers en leur proposant des obligations dont le remboursement était garanti par leur portefeuille de crédits immobiliers, voire par un mélange de ces crédits avec d’autres crédits titrisés (prêts aux étudiants, prêts à la consommation…), créant du même coup un réseau opaque de distribution des risques dans toute la finance mondiale. Qui…